mercredi 8 juillet 2015

Cycliste du dimanche, la Marmotte de Martin

Une fois n'est pas coutume, je laisse la place au récit passionnant de Martin Schiltz, jeune cycliste que j'ai rencontré lors de sorties du club VS2M. C'est un jeune homme souriant est passionné qui s'est préparé avec sérieux à cette cyclosportive mythique dans les Alpes, La Marmotte, 175 kms avec 5200 mètres de dénivelé. 

Objectif MARMOTTE 2015 
Il me tient à cœur de vous faire partager ce que j’ai vécu pour l’une des plus dures cyclo sportives au monde  : la Marmotte. Celle-ci a eu lieu le samedi 4 juillet 2015. De la préparation à ce jour complètement fou…
Lorsque je me suis inscrit à cette épreuve en novembre 2014, on m’a dit  : «  entraîne toi, entraîne toi, entraîne toi  ». Je me dis que c’est ce que j’ai fait pratiquement tout le temps mais l’entrainement pour la Marmotte doit être un petit peu plus spécifique qu’à l’accoutumé et je devrai laisser un peu le vtt de côté pour accumuler également les kms.
Je m’inscris tout en sachant que je sors d’une année un peu noire avec des blessures à répétitions aux genoux en 2013-2014…Espérons que cela ne reviendra pas en 2015 sinon adieu la Marmotte.
Je commence donc  l’année 2015 bien bien motivé sur mon Home trainer avec des séances de force et spécifiques. Cela se passe vraiment super bien et je me sens prêt pour cette nouvelle année. Joie de courte durée puisque je ressens des douleurs au genou droit  à chaque fois que je monte un peu trop en intensité, comme un rappel que je n’ai pas le droit au moindre écart (sommeil, alimentaire ou de surentrainement). Cela est très difficile moralement quand on sait qu’il faudra au moins 3500-4000 km pour espérer participer à la Marmotte dans de bonnes conditions.
Janvier et février passent et j’attends avec impatience de pouvoir un peu allonger les kms le samedi et le dimanche. A partir d’Avril, avec des températures un peu plus supportables et la luminosité qui augmente de jours en jours, je commence progressivement à enchainer des sorties plus longues les samedi-dimanche grâce au club VS2M. Lors d’une sortie en Avril, j’ai été forcé de couper car je ressentais encore et toujours une douleur au genou (mariage d’un ami la veille, couché tard et donc le genou s’en rappelle). C’est vraiment frustrant et inquiétant à ce stade et chaque sortie est une remise en cause. Je me demande à quel moment la douleur va se réveiller, ça devient presque psychologique d’après mes proches qui me croient fou, mais je ne le suis pas  et on fond de moi ça m’écœure car le vélo est plus qu’une passion, c’est une (bonne) drogue, un besoin qui me permet de décompresser et de m’aérer l’esprit. 
Par expérience des blessures précédentes, je sens que si  je ne freine pas un peu mes entrainements, je vais droit à la catastrophe. Je décide donc de couper complètement  une semaine début Avril afin de reprendre dans de meilleures conditions.
Pari payant puisque suite à cette microcoupure, je me sens beaucoup mieux et  je peux envisager sereinement les prochains entrainements. En guise de préparation, je m’inscris à la Route Verte le 8 mai sur 150 kms (ou je crève et suis contraint à l’abandon au km 80), au Granfondo Mont Ventoux 130 kms qui se passe très bien malgré un lumbago aigüe qui m’a cloué au lit pendant près de deux semaines. Cette coupure sera bénéfique puisque tout cycliste averti est conscient que la fraîcheur reste un élément très important pour aborder une cyclosportive de haute montagne.

J-1  :
Nous partons (mon père et Arnaud Mangeot) en direction des Alpes. Elément très important, c’est la canicule, ils annoncent près de 39 degrés à l’ombre. On s’inquiète tous un peu et cela rajoute un peu d’anxiété à notre stress…Sur place nous retirons nos plaques de cadre, je découvre les Alpes, c’est grand, c’est haut, très haut et nous en prenons plein les yeux en haut de l’Alpe d’Huez  ! Quelle beauté  ! Nous passerons une bonne mais courte nuit puisque le réveil est prévu pour 5h00.

JOUR J  :
Il est 7h00 et il fait anormalement chaud, pas besoin de coupe-vent et manchettes, il fait déjà 25 degrés….

Le départ est donné et la meute de cyclistes s'élance pour cette Marmotte. Ce peloton est cosmopolite  : des italiens, des espagnols, des belges, des allemands, des anglais, quelques Français et beaucoup de femmes affutées comme des lames de rasoir  !!!
La Marmotte débute avec 7 kms de plat avalés  à 45km/h de moyenne pour atteindre le bas du 1er col Hors-Catégorie  : le Glandon (29 km 4.5%de moy). Sur le papier, je le pensais facile mais ce n’est pas pour rien qu’il est classé HC  ! En effet, dès le début de ce col, les pentes sont à près de 8%, atteignant parfois 10-11%. Ce sont les deux petites descentes dans ce même col qui font qu’il a une moyenne de 4.5%  ! 
C’est déjà dur physiquement, je transpire beaucoup, ma FC est haute, je décide de prendre un rythme plus lent afin de faire descendre les pulsations. Les paysages magnifiques défilent et m’aident à terminer le col. Premier ravitaillement ou je retrouve mon père qui m’attend pour me redonner du courage car je suis déjà pas bien (fatigue, légère douleur au genou et FC haute). Le chrono est neutralisé pour la descente du col du Glandon car un accident mortel d’un cycliste s’est produit  il y a quelques années.. Effectivement, la route, enfin si l’on peut appeler cela une route, est en très mauvaise état, elle est remplie de gravillon avec des virages serrés, je comprends à ce moment-là pourquoi ils neutralisent la course pour cette descente.  Je me sens super bien en descente et double un nombre très important de cyclistes complètements tétanisés sur leur monture, c’est impressionnant  !
J’enchaine ensuite avec les récents mais déjà célèbres 17 lacets de Montvernier (présents au TDF cette année), on appelle ce col le «  mini alpe d’huez  », 3.7 kms à 8% de moyenne, c’est casse pattes mais  la vue imprenable sur la vallée nous fait (presque) oublier la difficulté. Par contre, la chaleur se fait de plus en plus insistante. A mon compteur, 35 degrés en milieu de matinée, j’ai  chaud, je transpire à grosses gouttes et je n’arrête pas de m’hydrater  !
On redescend dans la vallée pour nous amener au bas du col du Molard, c’est un col d’une quinzaine de kms comprenant environ 50 lacets (17kms de montée à 7-10%). Ce col est en  parti ombragé donc nous souffrons moins de la chaleur. Par contre, il est interminable à tel point que je crois attaquer le col suivant, celui de la Croix de Fer alors que je suis sur les dernières pentes du Molard…  !! Attention, je sens que je suis de moins en moins lucide et il me reste 80-90kms… Je termine ce col bien entamé. Tout de suite une courte descente qui nous amène directement et (trop) rapidement sur le célèbre col de la Croix de Fer, 14 kms à 6% de moy. Egalement sur ce col, le profil est trompeur, les premiers kilomètres sont pratiquement plats, et les derniers kilomètres sont vraiment terribles, 7%-8% avec une chaleur accablante (39 degrés). J’ai beaucoup de mal à terminer ce col, je tire du braquet  sur un tout petit 34-32, je n’avance plus  ! J’ai plus de force et le mental commence à me lâcher, je me dis que je ne pourrai pas faire l’Alpe d’Huez, je suis au fond du trou, je n’en peux plus, les nerfs commencent à  lâcher. J’arrive en haut tant bien que mal et me verse des litres d’eau fraiche…
La descente se passe bien et je crois retrouver quelques forces. Je me dis à cet instant que je ne suis pas venu ici pour arrêter au pied de l’Alpe mais je ne sais pas comment je vais pouvoir grimper tant je souffre. Heureusement, j’aperçois mon père juste avant le début de la dernière montée qui peut me ravitailler en liquide et en solide. Il en profite pour me glisser quelques mots d’encouragement et il sera près de moi tout au long de la montée, ça me rassure et me remotive dans ce moment compliqué.  J’ai tellement chaud, je n’arrive pratiquement plus à m’exprimer. Ça serait vraiment facile de dire  : «  j’en ai ras-le-bol, j’ai mal partout, c’est la canicule, allez hop on remonte en voiture, j’ai fait le Marmotton (la marmotte sans la montée de l’Alpe) c’est déjà super dans  ces conditions  ».
Martin à l'arrivée

NON NON et NON, cerveau débranché, j’attaque cette mythique montée dans un état assez indescriptible, ne sachant pas à quel moment  j’allais tomber…..
C'est parti, j'arrive au pied de l'Alpe d'Huez (14 km à 8%), le virage à gauche cache la pente, je ravale ma salive et je mets tout à gauche, je cherche du regard le virage 21,  la pente est extrêmement raide.  Ce 1er km est déjà un juge de paix avec des pourcentages à 10% sur les 3-4 premiers kms. L'ascension de l'Alpe d'Huez est un véritable calvaire, je me motive comme je peux, j'ai plus rien dans les jambes, je m'arrête quasi un virage sur quatre pour boire, me verser de l’eau et faire redescendre ma FC (grâce à mon père qui me ravitaille en eau et qui me motive à chaque km, sans lui j’aurai sans doute abandonné). Chaque km est long, très long, je n’ai plus d’adjectif pour définir la chaleur dans ce col, 42.8 degrés… Je vois des étoiles partout, j’ai l’impression que je tombe dans les pommes alors je me remets un coup d’eau fraîche sur la figure tous les 200 mètres, ça fait office de «  coups de fouet  » et ça me réveille. J’aperçois le dernier virage, le dernier tunnel, la dernière petite rampe, le dernier rond-point, je passe la ligne d’arrivée les larmes aux yeux, les nerfs lâchent complétement.. 

Le dépassement de soi et la détermination ont été total surtout avec cette canicule qui n’aura épargné aucun coureur. 

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